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#35 - Range ta chambre

Range ta chambre !

Comment désamorcer ce conflit à répétition ?

La question du rangement de la chambre des enfants et surtout des adolescents revient souvent lors des conférences débats que j’anime pour les parents. Empêtrés dans un tissu de motivations généreuses mais contradictoires et incompatibles du genre : « Je veux que sa chambre soit propre mais je veux respecter son territoire donc je n’ose pas y mettre mon nez mais il ne range jamais rien… », les parents ne savent plus quelle attitude adopter et se désolent de voir leur ado vivre dans un taudis où les canettes de cola côtoient trognons de pommes et chaussettes sales sous le lit et au milieu des moutons… Menaces et colères alternent avec découragement et résignation. En face, le front buté, l’ado utilise toute une palette d’arguments standards : « C’est chez lui, il allait le faire, sa mère est une maniaque du ménage, de toute façon elle n’est jamais contente et elle a toujours quelque chose à reprocher… » Arguments bateaux, certes, mais qui marchent extraordinairement bien pour culpabiliser les mères (surtout quand papa lève les yeux au ciel en signe d’accord avec l’avis du fiston !)

 

Bref, le rangement de la chambre est un sujet brûlant, douloureux, source de conflits familiaux récurrents et parfois virulents. Alors comment faire ?

 

C'est quoi "ranger" ?

La première chose à faire est de bien se mettre d’accord sur ce que veut dire « ranger sa chambre ».

J’ai reçu en consultation une famille qui venait me voir parce que le plus jeune des fils, au cours d’une crise de nerf mémorable, avait vidé les placards de son frère et jeté à terre tout leur contenu en criant que sa mère le harcelait et était d’une indulgence écœurante pour l’aîné. Sa violence avait affolé la famille qui y voyait presque un début de démence. Il est apparu au cours de la conversation que le mot « ranger » ne voulait pas du tout dire la même chose pour le fils et pour la mère.

 

Pour la mère, ranger signifiait simplement : « Rien ne traîne par terre. », l’ordre de l’intérieur des armoires et des tiroirs étant très secondaires. Ce qui a sa logique lorsque la priorité est de passer l’aspirateur. Pour le fils, une paire de baskets et deux revues sur la moquette ne signifiait pas désordre puisque l’intérieur de ses placards était propre et ordonné. Plus la mère demandait à ce qu’il range, plus il s’appliquait à soigner l’intérieur de ses placards, sans pour autant penser à ramasser les revues et les baskets sur le sol. L’aîné ayant mieux compris les exigences de sa mère entassait sauvagement les objets hors de la vue, mais ne laissait rien traîner par terre et donc avait effectivement une paix royale au grand dam du cadet qui accumulait frustration et rancœur.

 

Commencez tôt, dans la joie et la collaboration !

Lorsque les enfants sont très jeunes, « ranger » ne veut rien dire parce que le mot est trop global et abstrait. De plus, avec la quantité de jouets dont disposent nos petits touche-à-tout, la tâche est énorme. C’est pourquoi ranger tout seul est au-dessus de leurs capacités. Il est donc important de ranger avec eux en leur donnant des consignes détaillées. « Tu vois, moi, je mets les cubes dans leur boite et pendant ce temps, toi, tu vas mettre les peluches dans le coffre à jouet. Ensuite, on mettra les feutres dans leur pochette puis dans le tiroir et les pièces de puzzle dans leur boîte puis sur l’étagère. »

 

Jouer à Mary Poppins en refaisant une chambre magiquement rangée rend la tâche ludique et gratifiante. Ranger au fur et à mesure où au minimum tous les soirs avant d’aller au lit, inscrit le rangement dans un rituel qui s’automatisera peu à peu, d’autant plus qu’il est plus facile de maintenir une pièce rangée tous les jours que de venir à bout d’une semaine de laisser-aller. D’autre part, avoir l’habitude d’une pièce toujours bien rangée rend le désordre désagréable alors qu’inversement, si l’enfant s’habitue à vivre dans son fouillis, il le trouvera confortable.

 

En tant qu’adultes, nous aimerions bien quelquefois que quelqu’un nous dise : « Il faut que tu fasses tes carreaux. (ou que tu ranges le garage…) Allez, on s’y met maintenant, je te file un bon coup de main, comme ça, à midi, on aura tout fini. » Ce serait le rêve, n’est ce pas ? D’ailleurs, pourquoi sollicitons-nous des coachs si ce n’est pour nous motiver ? Si nous leur présentons les choses avec tact, sans critique ni culpabilisation, nos ados ne seront pas contre notre aide lorsqu’ils se sont laissés déborder par le désordre. Par contre, parents, armez-vous de patience et abstenez-vous de tout commentaire sous peine de grosses disputes !

 

Quand le respect du territoire est à sens unique

« C’est MA chambre ! » protestent tous les ados lors les intrusions maternelles et ménagères sur leur territoire. Et trop de professionnels de l’adolescence cautionnent l’avis des ados. Il faut respecter leur espace privé. C’est ce qui paralyse les parents qui n’osent plus s’aventurer au-delà du seuil. Je vous propose donc de nuancer le concept.

 

Oui, c’est leur chambre, mais elle est tout de même dans le logement de leurs parents qui en payent le loyer et qui sont légitimes à y faire respecter leurs règles d’hygiène. C’est du reste le rôle des parents d’éduquer leurs enfants à l’ordre et la propreté. Respecter un territoire ne veut pas dire y être interdit de séjour. Si vous frappez avant d’entrer (et que vous attendez la réponse !), si vous vous abstenez de fouiller dans les affaires (rangées) de vos enfants, vous devez pouvoir entrer normalement dans leur chambre. D’ailleurs, il est intéressant de constater que les ados qui réclament le plus le respect de leur territoire sont quelquefois ceux qui respectent le moins celui de leurs parents et qui fouillent sans vergogne dans leurs affaires et empruntent quantité d’objets sans permission. Le respect doit être réciproque.

 

Comme on fait son lit on se couche

La qualité du lieu de vie que l’on s’accorde est directement connectée à l’estime qu’on se porte. En dehors d’un débat sur les moyens financiers dont on dispose, on peut tout à fait rendre son logis coquet et agréable même avec de faibles moyens ou en négliger l’esthétique et la propreté. Se respecter, c’est aussi prendre soin de soi. Comment nos ados si mal dans leur peau pourraient-ils entretenir ou restaurer l’estime d’eux-mêmes en vivant dans une porcherie nauséabonde ? (Ah, les relents de baskets chaudes !) L’écrin doit être à la hauteur de la perle. C’est un état d’esprit très positif d’apprendre à se chouchouter soi-même.

 

Enfin, parents, si vous voulez des chambres bien rangées soyez cohérents avec vos actes et arrêtez de recevoir vos visiteurs en disant « Excusez le désordre ! »

 

 

 

Des pistes pour aller plus loin



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