Comment pourrir soi-même ses vacances
Petit manuel d'auto-sabordage
Quelles raisons auriez-vous de vouloir gâcher vos vacances ?
Consciemment aucune, bien sûr, mais inconsciemment ? Au vu du nombre de gens qui pratiquent l'auto sabordage de leurs vacances, beaucoup. D'abord le plaisir masochiste de souffrir doublé de celui d'avoir matière à vous plaindre et à vous faire prendre en pitié. Ensuite, l'avantage d'avoir quelque chose à raconter en rentrant. Avez-vous remarqué comme le récit de bonnes vacances lasse vite un auditoire ? Par contre, de l'arrivée à l'hôtel sordide jusqu'à votre rapatriement sanitaire, pour peu que vous sachiez y mettre de l'humour et du suspense, vos vacances ratées vous permettront de vous tailler un joli succès et de mobiliser l'attention une bonne partie de la soirée.
Sans compter que les vacances ratées vous laisseront un souvenir plus durable que des vacances banalement réussies. Ensuite, en vacances, si vous vous détendez, si vous décompressez, vous risquez de prendre du recul sur votre vie quotidienne et inévitablement, vous serez amené à vous poser les questions cruciales du genre : "Pourquoi n'ai-je pas encore quitté Jean-Paul /Sophie ?" ou "Mais qu'est-ce qui m'a pris de rompre avec Jean-Paul / Sophie ?", "Qu'est devenue la promesse que je m'étais faite l'an dernier de changer de boite en rentrant de vacances ?"
Bref, des sujets tellement dérangeants qu'il vaut mieux avoir l'esprit occupé à mille petites tracasseries. Enfin, vous avez sûrement appris l'interdit du plaisir ou du repos. Vous savez, l'oisiveté, mère de tous les vices, etc. Gâcher vos vacances est le seul moyen efficace de mettre en veilleuse la lancinante culpabilité qui vous taraude avant même de partir. Vous voilà convaincu de l'utilité de saboter vos vacances ? Alors voici quelques unes des meilleures techniques testées et certifiées par les plus grands spécialistes es vacances ratées.
Pour être crédibles, restez discrets
Tout d'abord, ne comptez pas sur les autres pour vous gâcher vos vacances, c'est trop aléatoire. A la rigueur, les personnels des compagnies aériennes, maritimes ou ferroviaires peuvent se montrer très coopérants en déclenchant une grève le jour de votre départ, mais ne leur faites pas totalement confiance, les gens sont d'un tel égoïsme de nos jours ! Et puis vous savez qu'on n'est jamais "si bien servi que par soi même". Donc, à vous de jouer. Par contre restez discret ou vous n'abuserez personne sur vos stratégies de perdant. Si on soupçonne que vous ayez pu le faire exprès, vous n'obtiendrez aucune pitié ni compassion. Exit donc, parce que trop classiques et usés, le terrible coup de soleil du premier jour qui vous fait passer le séjour à l'ombre avec un tee-shirt manches longues et peler lamentablement le jour de votre retour, ou l'accident de descente de train avec location de béquilles pour la durée du séjour.
Ne laissez rien au hasard
Choisissez avec soin le lieu de vos vacances.
Partez à la montagne si vous n'aimez que la mer ou réciproquement. Choisissez un lieu bondé et bruyant si vous avez besoin de calme ou un trou désert si vous vous ennuyez vite. Privez-vous du confort minimum à votre bien être ou optez pour un hôtel trop huppé pour vous y sentir décontracté. Renseignez-vous bien sur la météo, elle peut vous être d'une grande utilité. Certaines régions du globe, avec leurs époques de mousson, cyclones ou typhons peuvent vous procurer des souvenirs inoubliables. Et pour plus de raffinement, adaptez votre tenue vestimentaire aux informations météo recueillies. N'emportez ni pull, ni coupe-vent pour grelotter à loisir ou prévoyez des vêtements trop chauds pour suffoquer à votre aise. Une pneumonie ou un coup de chaleur seront de surcroît du plus bel effet.
Si vous vous inscrivez à une activité sportive, cochez la case "confirmé" à la place de "débutant" (toujours ou réciproquement si vous suivez bien le fil du raisonnement) et débrouillez vous pour qu'aucun retour à la base ne soit possible en cours de séjour, c'est plus drôle, les autres participants finiront par vous insulter.
Jonglez avec la notion du temps
La durée des vacances a elle aussi une certaine importance. Prendre plus de vacances que vous n'avez besoin pour être reposé est un bon début, surtout si vous rentrez au bout de deux jours parce que vous vous êtes disputé avec votre conjoint(e) et / ou que votre hôtel donnait sur la rocade nord et que les autres hôtels affichaient complet (vous comprenez mieux pourquoi c'était nettement moins cher que dans les autres agences de voyages !). Les trois semaines moins deux jours qui resteront à passer dans votre F3 vous sembleront encore plus interminables.
Si vous ne pouvez écourter votre séjour, pensez sans cesse au jour de la reprise du travail, faites plusieurs fois par jour le décompte à rebours du retour et ce dès votre arrivée. "Tu te rends compte, chéri(e), dans cinq jours à la même heure, je serai en réunion avec Ledurieux !" . Vous pouvez aussi choisir de rester focalisé sur la dernière journée de travail et surtout sur le dossier Ledurieux que vous n'avez pas pu finir et que vous avez du confier à Josiane qui vous déteste. "Dis, chéri(e), tu crois que Josiane aura transmis mes conclusions à Ledurieux avant mon retour ?" Mais d'une manière générale, évitez complètement de vivre au présent.
Pas de concession !
Enfin, petite touche finale pour parfaire votre œuvre, restez vigilant et traquez tout ce qui ne va pas autour de vous. Râlez, râlez et critiquez tout : Il fait trop chaud ou pas assez, le repas est médiocre, le short de la dame là bas est très laid, ces ruines romaines mal conservées, vous avez mal au cœur avec ces virages et vraiment les autochtones sont d'un désagréable avec les touristes sans qui ils crèveraient de faim, vous ne vous êtes pas privé de leur rappeler mais ça les fatiguerait de sourire ! Bref, rendez vous odieux et vous aurez en plus le plaisir de partir seul l'an prochain !
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Edith Beaury (mardi, 06 décembre 2022 21:24)
Bonjour, je viens de lire votre article et je l'ai trouvé très drôle.
J'y ai retrouvé ma tante et mon oncle tous 2 des râleurs nés.
Merci, cela m'a fait bien rire.
Marie claude Kruttli (vendredi, 19 juillet 2024 12:01)
Comme toujours tellement à propos et délicieux du grand art comme j aime
Merci de cette dérision qui apporte légèreté et humour
Cecile Guichard (samedi, 20 juillet 2024 12:06)
Trop drôle ! Merci !